Définition
Nom masculin et adjectif
Du grec palin, à nouveau, et dromos, course.
Se dit d’un mot ou d’une phrase qu’on peut lire dans les deux sens, en commençant par la droite ou par la gauche.
Par exemple « Ésope reste ici et se repose », ou « ressasser » ou encore « engage le jeu que je le gagne ».

Les auteurs de palindromes ne tiennent habituellement pas compte des signes diacritiques (accents, trémas, cédilles), ni des différents signes de ponctuation.

On peut distinguer les palindromes possédant un nombre pair de lettres, dans lesquels l’axe de symétrie passe entre deux exemplaires de la même lettre (« élu par cette crapule »), des palindromes à nombre impair de lettres, dont une lettre occupe le centre (« Ésope reste ici et se repose »).

Un palindrome ordinaire est un « palindrome de lettres », c’est à dire une succession de lettres symétrique. On peut généraliser cette notion en définissant par exemple :

  • des palindromes phonétiques, qu’on peut enregistrer sur une bande magnétique et écouter indifféremment dans un sens ou dans l’autre : « Angèle et Laurent enrôlaient les gens » (Luc Étienne).
  • des palindromes de syllabes : « Laconique Nicolas » (la co ni que ni co la) ou « Si Didon rêvait là-haut, Théo la verrait donc d’ici » ou encore « Quand de deux maux la patrie délivre la Française, cher passé, c’est pas cher seize francs la livre des tripes à la mode de Caen. » (Luc Étienne).
  • des palindromes de mots : « Papa aime Maman, Maman aime Papa » (refrain d’une chanson de Georges Guétary) ou « Place là, de loin, les fous ; petit à petit fous-les loin de la place. »
  • des palindromes de vers :
    "La petite brise la glace
    Pour pêcher avec son ami :
    Il lui faudrait un autre lieu.
    Mais le vent est beaucoup trop froid,
    Il lui faudrait un autre lieu
    Pour pécher avec son ami :
    La petite brise la glace.
    "
    Notez que pêcher n’est pas pécher ; que le premier lieu est un poisson et non un endroit ; et que presque tous les mots du premier vers changent de sens et de nature dans le dernier.
  • une variante est le palindrome d’hémistiches. En principe la notion d’hémistiche ne s’applique qu’à des vers, mais on peut interpréter ce mot comme désignant un groupe de six syllabes successives d’un texte en prose, comme s’il s’agissait de la moitié d’un alexandrin. Le décompte des syllabes s’effectue selon les règles de la versification classique, notamment en ce qui concerne les e muets.
    Nicolas Granier a écrit cet essai, « Un baiser renversant », en février 2002 :
    "Le baiser, comme un bleu au cœur... De là : caresse, espoir qui l’accompagne : être toujours le seul à savoir ce qui va !
    La belle parvenue n’ayant su satisfaire ses prières, son jeune parti, en reniant la tendre aimée, il est consolé par sa bonne grâce, mais cependant vit mal, durci et sans pêche, maudissant son péché, maudissant son vit mal durci et sans grâce, mais cependant consolé par sa bonne, la tendre Aimée.
    Il est parti, en reniant ses prières, son jeûne, n’ayant su satisfaire la belle — parvenue à savoir ce qui va être toujours le seul espoir qui l’accompagne au cœur de la caresse : le baiser comme un bleu !
    "
    Le même texte est reproduit ci-dessous avec des sauts de lignes faisant apparaître les vingt-huit hexasyllabes qui le composent, et là on découvre la beauté de l’hémistiche palindromique :
    " Le baiser, comme un bleu
    au cœur... De là : caresse,
    espoir qui l’accompagne :
    être toujours le seul
    à savoir ce qui va !
    La belle parvenue
    n’ayant su satisfaire
    ses prières, son jeune
    parti, en reniant
    la tendre aimée, il est
    consolé par sa bonne
    grâce, mais cependant
    vit mal, durci et sans
    pêche, maudissant son
    — - — - axe de symétrie - — - —
    péché, maudissant son
    vit mal durci et sans
    grâce, mais cependant
    consolé par sa bonne,
    la tendre Aimée. Il est
    parti, en reniant
    ses prières, son jeûne,
    n’ayant su satisfaire
    la belle — parvenue
    à savoir ce qui va
    être toujours le seul
    espoir qui l’accompagne
    au cœur de la caresse :
    le baiser comme un bleu !
    "
    Ce texte est donc composé de vingt-huit groupes de six syllabes (autant que dans un sonnet) ; les quatorze derniers reprennent les quatorze premiers dans l’ordre inverse. Le but de l’exercice est de faire en sorte que les deux occurrences d’un même « hémistiche » aient un sens aussi différent que possible, en jouant sur les homonymes (avec parfois des variations dans les signes diacritiques), le contexte et la ponctuation.
  • des palindromes de répliques comme le « Canon cancrizans » dans un dialogue —un canon à cancrizans est un arrangement de deux objets complémentaires et rétrogrades—. L’utilisation de ce terme dans un sens non musical a été popularisé par Douglas Hofstadter (fils de Prix Nobel et physicien lui-même) dans « Gödel, Escher, Bach : Les Brins d’une Guirlande Éternelle » (Prix Pulitzer en 1979 pour ce sublime pavé dans la mare de 800 pages).
    Au départ, c’est un terme musical pour un type de canon dans lequel une ligne est renversée dans le temps par rapport à l’autre (par exemple : FABACEAE ⇔ EAECABAF). On en trouve dans « L’Offrande musicale » de Johann Sebastian Bach qui contient également un canon (Quaerendo invenietis) combinant à la fois régression et inversion, c’est-à-dire que la musique est retournée par l’un des musiciens.

    Pour illustrer ce riche concept de pli musical, voici ci-après une très belle animation autour d’un canon cancrizans de Bach (1747) et d’un ruban de Moëbius (visualisez bien les trois minutes...) :

  • des palindromes de chapitres dans un livre. Le roman inachevé « 53 jours » de Georges Perec aurait dû présenter une structure de ce type, les chapitres 14 à 26 reprenant en ordre inverse les thèmes des chapitres 1 à 13.
  • des mélodies palindromiques : l’idée n’est pas nouvelle, on en trouve notamment des exemples chez Mozart, chez Haydn et chez Bach.
  • des sommes palindromes : 38 + 83 = 121 (nota : tous les palindromes à nombres pairs de chiffres sont divisibles par 11)
  • des années palindromes : 1881, 1961 (qui est en plus réversible), 1991, 2002, 2112, ...
  • des dates palindromes : 10 02 2001, ou encore 20 02 2002 à 20h 02 (là il n’y en a que 4... la prochaine est le 21 12 2112 à 21 h 12. Et il paraîtrait même que ce sera la fin du monde...)
  • des sculptures en forme de mots-croisés. Le palindrome latin SATOR AREPO TENET OPERA ROTAS, écrit dans un carré, peut être lu dans quatre directions. Une traduction possible serait « Le semeur à la charrue travaille en tournant. ».
    Déjà connu des premiers chrétiens, ce carré a donné lieu à d’innombrables interprétations linguistiques, religieuses et occultes...

Carré SATOR retrouvé à Oppède en France (région Provence-Alpes-Côte d'Azur)

  • et enfin, pourquoi pas, des palindromes de livres : si un auteur en fin de carrière décide de rééditer toutes ses œuvres dans l’ordre inverse de leur parution originale.

Avant de pouvoir lire le plus grand palindrome français (1247 mots), voici quelques amuse-bouche :

— Tu l’as trop écrasé, César, ce Port-Salut...
— Un roc cornu
— La mère Gide digère mal (Scutenaire)
— L’arome moral (Pierre David)
— Engage le jeu, que je le gagne ...
— Sexe vêtu, tu te vexes !
— Déité tiède. (Ourobores - à lire sur un cercle)
— Cerise d’été je te désire. (Ourobores - à lire sur un cercle)
— Non à ce canon !
— Karine égarée rage en Irak.
— Et la marine va venir à Malte.
— A l’autel elle alla, elle le tua là !
— In girum imus nocte et consumimur igni (nous tournons en rond dans la nuit et sommes consumés par le feu)
— Etna : lave dévalante ...
— Noce : l’adoré roda le con !
— Oh, cela te perd répéta l’écho ...
— He says « Madam, I’m Adam » and She responded : « Eve »

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Le plus grand palindrome compréhensible jamais publié en langue française est « Le Grand Palindrome » de Georges Perec (1969). Le voici repris de La Littérature Potentielle, idées, Gallimard, 1973 :

9691 ,EDNA’ D NILUOM UA
CEREP SEGROEG

Trace l’inégal palindrome. Neige. Bagatelle, dira Hercule. Le brut repentir, cet écrit né Perec. L’arc lu pèse trop, lis à vice-versa. Perte. Cerise d’une vérité banale, le Malstrom, Alep, mort édulcoré, crêpe porté de ce désir brisé d’un iota. Livre si aboli, tes sacres ont éreinté, cor cruel, nos albatros. Être las, autel bâti, miette vice-versa du jeu que fit, nacré, médical, le sélénite relaps, ellipsoïdal. Ivre il bat, la turbine bat, l’isolé me ravale : le verre si obéi du Pernod — eh, port su ! — obsédante sonate teintée d’ivresse. Ce rêve se mit — peste ! — à blaguer. Beh ! L’art sec n’a si peu qu’algèbre s’élabore de l’or évalué. Idiome étiré, hésite, bâtard replié, l’os nu. Si, à la gêne secrète verbe nul à l’instar de cinq occis—, rets amincis, drailles inégales, il, avatar espacé, caresse ce noir Belzebuth, ô il offensé, tire ! L’écho fit (à désert) : Salut, sang, robe et été. Fièvres. Adam, rauque ; il écrit : Abrupt ogre, eh, cercueil, l’avenir tu, effilé, génial à la rue (murmure sud eu ne tire vaseline séparée ; l’épeire gelée rode : Hep, mortel ?) lia ta balafre native. Litige. Regagner (et ne m’…). Ressac. Il frémit, se sape, na ! Eh, cavale ! Timide, il nia ce sursaut.

Hasard repu, tel, le magicien à morte me lit. Un ignare le rapsode, lacs ému, mixa, mêla : Hep, Oceano Nox, ô, béchamel azur ! Éjaculer ! Topaze ! Le cèdre, malabar faible, Arsinoë le macule, mante ivre, glauque, pis, l’air atone (sic). Art sournois : si, médicinale, l’autre glace (Melba ?) l’un ? N’alertai ni pollen (retêter : gercé, repu, denté…) ni tobacco. Tu, désir, brio rimé, eh, prolixe nécrophore, tu ferres l’avenir velu, ocre, cromant-né ? Rage, l’ara. Veuglaire. Sedan, tes elzévirs t’obsèdent. Romain ? Exact. Et Nemrod selle ses Samson ! Et nier téocalli ? Cave canem (car ce nu trop minois — rembuscade d’éruptives à babil — admonesta, fil accru, Têtebleu ! qu’Ariane évitât net. Attention, ébénier factice, ressorti du réel. Ci-gît. Alpaga, gnôme, le héros se lamente, trompé, chocolat : ce laid totem, ord, nil aplati, rituel biscornu ; ce sacré bédeau (quel bât ce Jésus !). Palace piégé, Torpédo drue si à fellah tôt ne peut ni le Big à ruer bezef. L’eugéniste en rut consuma d’art son épi d’éolienne ici rot (eh… rut ?). Toi, d’idem gin, élèvera, élu, bifocal, l’ithos et notre pathos à la hauteur de sec salamalec ? Élucider. Ion éclaté : Elle ? Tenu. Etna but (item mal famé), degré vide, julep : macédoine d’axiomes, sac semé d’École, véniel, ah, le verbe enivré (ne sucer ni arrêter, eh ça jamais !) lu n’abolira le hasard ? Nu, ottoman à écho, l’art su, oh, tara zéro, belle Deborah, ô, sacre ! Pute, vertubleu, qualité si vertu à la part tarifé (décalitres ?) et nul n’a lu trop s’il séria de ce basilic Iseut.

Il a prié bonzes, Samaritain, Tora, vilains monstres (idolâtre DNA en sus) rêvés, évaporés : Arbalète (bètes) en noce du Tell ivre-mort, émeri tu : O, trapu à elfe, il lie l’os, il lia jérémiade lucide. Petard ! Rate ta reinette, bigleur cruel, non à ce lot ! Si, farcis-toi dito le cœur ! Lied à monstre velu, ange ni bête, sec à pseudo délire : Tsarine (sellée, là), Cid, Arétin, abruti de Ninive, Déjanire.. Le Phenix, eve de sables, écarté, ne peut égarer racines radiales en mana : l’Oubli, fétiche en argile. Foudre. Prix : Ile de la Gorgone en roc, et, ô, Licorne écartelée, Sirène, rumb à bannir à ma (Red n’osa) niére de mimosa : Paysage d’Ourcq ocre sous ive d’écale ; Volcan. Roc : tarot célé du Père. Livres. Silène bavard, replié sur sa nullité (nu à je) belge : ipséité banale. L’ (eh, ça !) hydromel à ri, psaltérion. Errée Lorelei… Fi ! Marmelade déviré d’Aladine. D’or, Noël : crèche (l’an ici taverne gelée dès bol…) à santon givré, fi !, culé de l’âne vairon. Lapalisse élu, gnoses sans orgueil (écru, sale, sec). Saluts : angiome. T’es si crâneur !

Rue. Narcisse ! Témoignas-tu ! l’ascèse, là, sur ce lieu gros, nasses ongulées… S’il a pal, noria vénale de Lucifer, vignot nasal (obsédée, le genre vaticinal), eh, Cercle, on rode, nid à la dérive, Dédale (M.. !) ramifié ? Le rôle erre, noir, et la spirale mord, y hache l’élan abêti : Espiègle (béjaune) Till : un as rusé. Il perdra. Va bene. Lis, servile repu d’électorat, cornac, Lovelace. De visu, oser ? Coq cru, ô, Degas, y’a pas, ô mime, de rein à sonder : à marin nabab, murène risée. Le trace en roc, ilote cornéen. O, grog, ale d’elixir perdu, ô, feligrane ! Eh, cité, fil bu ! ô ! l’anamnèse, lai d’arsenic, arrérage tué, pénétra ce sel-base de Vexin. Eh, pèlerin à (Je : devin inédit) urbanité radicale (elle s’en ira…), stérile, dodu. Espaces (été biné ? gnaule ?) verts. Nomade, il rue, ocelot. Idiot-sic rafistolé : canon ! Leur cruel gibet te niera, têtard raté, pédicule d’aimé rejailli. Soleil lie, fléau, partout ire (Métro, Mer, Ville…) tu déconnes. Été : bètel à brasero. Pavese versus Neandertal ! O, diserts noms ni à Livarot ni à Tir ! Amassez. N’obéir. Pali, tu es ici : lis abécédaires, lis portulan : l’un te sert-il ? à ce défi rattrapa l’autre ? Vise-t-il auquel but rêvé tu perças ? Oh, arobe d’ellébore, Zarathoustra ! L’ohcéan à mot (Toundra ? Sahel ?) à ri : Lob à nul si à ma jachère, terrain récusé, nervi, née brève l’haleine véloce de mes casse-moix à (Déni, ô !) décampé. Lu, je diverge de ma flamme titubante : une telle (étal, ce noir édicule cela mal) ascèse drue tua, ha, l’As. Oh, taper ! Tontes ! Oh, tillac, ô, fibule à rêve l’Énigme (d’idiot tu) rhétoricienne. Il, Oedipe, Nostradamus nocturne et, si né Guelfe, zébreur à Gibelin tué (pentothal ?), le faiseur d’ode protège. Ipéca… : lapsus. Eject à bleu qu’aède berça sec. Un roc si bleu ! Tir. ital. : palindrome tôt dialectal. Oc ? Oh, cep mort et né, mal essoré, hélé. Mon gag aplati gicle. Érudit rosse-récit, ça freine, benoit, net. Ta tentative en air auquel bète, turc, califat se (nom d’Ali-Baba !) sévit, pure de — d’ac ? — submersion importune, crac, menace, vacilla, co-étreinte…

Nos masses, elles dorment ? Etc… Axé ni à mort-né des bots. Rivez ! Les Etna de Serial-Guevara l’égarent. N’amorcer coulevrine. Valser. Refuter. Oh, porc en exil (Orphée), miroir brisé du toc cabotin et né du Perec : Regret éternel. L’opiniâtre. L’annulable. Mec, Alger tua l’élan ici démission. Ru ostracisé, notarial, si peu qu’Alger, Viet-Nam (élu caméléon !), Israël, Biafra, bal à merde : celez, apôtre Luc à Jéruzalem, ah ce boxon ! On à écopé, ha, le maximum !

Escale d’os, pare le rang inutile. Métromane ici gamelle, tu perdras. Ah, tu as rusé ! Cain ! Lied imité la vache (à ne pas estimer) (flic assermenté, rengagé) régit. Il évita, nerf à la bataille trompé. Hé, dorée, l’Égérie pelée rape, sénile, sa vérité nue du sérum : rumeur à la laine, gel, if, feutrine, val, lieu-créche, ergot, pur, Bâtir ce lieu qu’Armada serve : if étété, éborgnas-tu l’astre sédatif ? Oh, célérités ! Nef ! Folie ! Oh, tubez ! Le brio ne cessera, ce cap sera ta valise ; l’âge : ni sel-liard (sic) ni master-(sic)-coq, ni cédrats, ni la lune brève. Tercé, sénégalais, un soleil perdra ta bétise héritée (Moi-Dieu, la vérole !)

Déroba le serbe glauque, pis, ancestral, hébreu (Galba et Septime-Sévère). Cesser, vidé et nié. Tetanos. Etna dès boustrophédon répudié. Boiser. Révèle l’avare mélo, s’il t’a béni, brutal tablier vil. Adios. Pilles, pale rétine, le sel, l’acide mercanti. Feu que Judas rêve, civette imitable, tu as alerté, sort à blason, leur croc. Et nier et n’oser. Casse-t-il, ô, baiser vil ? à toi, nu désir brisé, décédé, trope percé, roc lu. Détrompe la. Morts : l’Ame, l’Élan abêti, revenu. Désire ce trépas rêvé : Ci va ! S’il porte, sépulcral, ce repentir, cet écrit ne perturbe le lucre : Haridelle, ta gabegie ne mord ni la plage ni l’écart.

Georges Perec
Au Moulin d’Andé, 1969

Photo du Moulin d'Andé, Eure, Haute-Normandie. http://www.moulinande.com

P.-S.

  • Un ancien article du dimanche 18 mai 2003 augmenté de quelques images et mots...