Hier soir, j’ai longuement hésité entre rejoindre des amis à un apéro sur les quais du Rhône ou bien rester chez moi, tranquille, avec un livre.
En cacochyme [1] précoce que je suis, j’ai finalement choisi la tranquillité et opté pour la seconde solution...

Pourtant, pendant ma lecture, je me suis posé ces quelques questions :

  • Que se serait-il passé si j’étais sorti ?
  • Aurais-je rencontré des personnes intéressantes ?
  • Aurais-je fais de belles rencontres ?
  • Et peut-être même aurais-je eu un(e) nouvel(le) ami(e) qui serait devenu(e), à l’heure qu’il est, indispensable à ma vie ?

Comment pourrais-je le savoir ?
C’est absolument impossible !
Malheureusement...

Cela nous arrive tout le temps, ou presque, à longueur de temps, de devoir choisir...
Cela me rend parfois si fébrile de penser à toutes les possibilités de la vie que l’on pourrait mener. N’êtes-vous pas, vous-même, obsédé par cette question du choix ? Hmmm ?

Il m’arrive de penser que la vie est une folie totalitaire : nous sommes soumis en permanence à la dictature du choix unique. Alors que les possibilités sont si nombreuses, pour ne pas dire infinies.

Il nous arrive, ou nous est arrivé, d’hésiter entre deux vies amoureuses ; et l’on ne saura jamais ce qui aurait pu exister avec l’autre personne : cette autre vie devient comme un roman que personne n’a écrit, ou n’écrirait.

Cette obsession est aussi valable avec des choix beaucoup plus simples.
Ainsi au restaurant, hésiter entre une pizza et des pâtes, et opter finalement pour l’un ou l’autre, ne donne pas la même tonalité au repas.
C’est infime, et pourtant la conséquence est réelle : nous ne vivons pas la même chose. Ainsi, quand ce jour-là je mange des pâtes, je ne saurai jamais ce que cela est de manger une pizza ce même jour.

Bon, j’aurais peut-être dû choisir un meilleur exemple. Et pourtant, je trouve que cet instant où nous sommes suspendus devant un menu de restaurant est tellement représentatif de la vie...
On est là, assis, on pourrait tout plaquer pour une mousse au chocolat, mais on demeure encore dans l’île flottante !

Par conséquent, je comprends mieux le fantasme de l’ubiquité. Il y a ce si beau texte de Marcel Aymé, “Les Sabines”, où une jeune femme a autant de vies qu’elle le désire.
On pourrait être marié et célibataire, salarié et indépendant, aller à la mer et à la montagne... et manger des pâtes et des pizzas.
Mais serait-on heureux sans la permanence du choix dans notre vie ?
Ne deviendrait-on pas fou si la vie était une autoroute à quatre voies et non une sentinelle obligatoire ?
Je crois qu’il y a beaucoup de beauté en la nécessité de choisir en permanence la route que l’on mène, à errer parfois, à se tromper forcément, à vivre les brouillons et les ratages, à accumuler ce que l’on appelle justement l’expérience.

Il n’y a d’expérience que si l’on échoue, et je veux parfois échouer...
Je veux échouer et je veux avoir des regrets...
Je veux rester dans mon lit à chercher le sommeil et à me dire : “Et si j’y étais allé, à cette soirée sur les quais ?
Oui, il y a une certaine beauté à tout ça... Machiavélique, mais intéressante dans le concept.

Et là, maintenant, je pourrais écrire tant de phrases pour finir cet article...
Tant de phrases qui arpentent mon cerveau de leurs possibilités quasi infinies...
Et il va bien falloir que je choisisse !

P.-S.

  • Vous pouvez aussi consulter l’article « Savoir Faire Des Choix... » pour apprendre à faire le tri, et même vous évaluer avec un petit test pour découvrir ce qui peut vous bloquer dans votre processus de choix.
  • Crédit photo : « Lyon, quais du Rhône by night », Marie Perrin, Office du Tourisme de Lyon

Notes

[1 Cacochyme (adjectif) (ka-ko-chi-m’)
Vieux, malade, de mauvaise constitution.

Cacochyme (nominal) (ka-ko-chi-m’)
Débile, déficient, égrotant, faible, impuissant, infirme, invalide, lunatique, malade, maladif, malingre, pituitaire, quinteux, souffrant, souffreteux, valétudinaire.

Emprunté au bas latin cacochymus « qui est doté d’un mauvais suc » d’où la notion de constitution appauvrie (en parlant du corps humain). Qui vient lui-même du grec Kakos signifiant mauvais, et chumos étant la chimie, la composition.

Par métaphore signifie suranné et sans force :

  • « Fagon mourut dans un grand âge pour une machine aussi contrefaite et aussi cacochyme qu’était la sienne. » (SAINT-SIMON 482, 259)
  • « Il garde le dernier, et ce corps cacochyme Est à son art fatal dévoué pour victime. » (REGNARD le Lég. I, 1)
  • « Croyez qu’un vieillard cacochyme doit mettre, s’il a quelque sens, son âme et son corps au régime. » (VOLTAIRE Ép. 88)
  • « Je ne me chargerais pas d’un enfant maladif et cacochyme. » (JEAN-JACQUES ROUSSEAU Ém. I)
  • « Mon âme est très mal à son aise dans mon corps cacochyme. » (VOLTAIRE Lett. Cideville, 10 mai 1764)