Le libre arbitre apparent

La distinction entre les actions passées et futures et les actions passées ou futures, qui nous a permis de poser comme vérité que la prescience symbiotique est une loi naturelle, nous permet aussi de nous poser la question suivante :

  • Comment peut-il se faire que le Khyan ou le Noble garde la libre disposition d’actes que la prescience a prévu de toute éternité ?
    Ou, si le Khyan, ou le Noble, est libre jusqu’au moment de sa décision et jusque dans sa décision elle-même, comment la prescience peut-elle avoir prévu certainement, et de toute éternité, les déterminations qu’il prendrait ?

A prendre les choses dans ces termes, et toutes réserves faites sur la question du gouvernement exercé par la prescience sur le monde qui nous entoure, ceci n’est, ni dans un sens, ni dans l’autre, une difficulté véritable pour les Elam Evir, et l’on peut dire que si la prescience et le libre arbitre du Khyan sont considérés comme se faisant obstacle l’un à l’autre, cela tient à la confusion de certains mots, de certaines formes de langage, qui expriment deux choses bien différentes, tantôt la simple fiction futuriste, et tantôt la nécessité passée.

Ainsi « cette chose doit être » peut signifier, soit « telle chose sera », soit « il est nécessaire que telle chose est été ».
Une intelligence parfaite, comme un Elam Evir, sait bien que telle chose sera ou a été, bien qu’il n’y ait, à ce qu’elle soit, aucune nécessité. II en est de même des mots certain, et déterminé. Il est certain, absolument parlant, qu’entre différents partis il en est un que je choisirai ; mais cette espèce de certitude n’est pas ce qui détermine mon choix, lequel reste jusqu’au dernier moment à ma disposition.

Une intelligence imparfaite ignore ce qu’il en sera.

Même moi, j’ignore souvent quel parti je prendrai dans les instants futurs, comme il m’arrive d’oublier des évènements passés.

Pourtant la prescience, au contraire de mon être lumière, a prévu comment je choisirais en consultant mon être irréel.

Mais sa prévision, bien qu’antérieure, en fait, à ma décision, ne laisse pas de lui être logiquement postérieure, puisqu’en réalité ce n’est pas ma décision qui se règle sur sa prévision, mais au contraire sa prévision qui a été, de toute éternité, formée sur mon choix futur.

En un mot, la certitude avec laquelle la prescience prévoit les actions libres des Khyans et des Nobles ne leur ôte, pas plus leur caractère que ne le fait aux actions passées, la certitude de nos souvenirs.

P.-S.

Fragment retrouvé dans les fouilles de Kadam Hel lors du Grand Exode, 714 années après l’avènement de la troisième Stellaire.

Une autre trace de cet ouvrage peut être suivie d’après ce que pense Xant sur le site de Priax.


Illustration de Virginie « Vyrhelle » Léonard.